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19.08.2021 - 13:58

Réforme de la fiscalité internationale des personnes morales

François Burgat répond à nos questions

Depuis le 1er janvier 2020, un nouveau régime fiscal des personnes morales est entré en vigueur à Neuchâtel, avec un taux d’imposition plafonné à 13.57%. Le samedi 10 juillet 2021, les grands argentiers du G20 ont approuvé la réforme de la taxation des multinationales qui vise à mettre fin aux paradis fiscaux, en instaurant un impôt mondial d'«au moins 15%» sur les sociétés et en taxant les entreprises là où elles réalisent leurs recettes, dès 2023. Les règles de l’accord seront peaufinées en octobre 2021.  François Burgat, Directeur de PwC Neuchâtel Jura, répond à ces questions.

Quels sont les grands axes de cette réforme que certains qualifient de révolutionnaire ?

La réforme décidée par l’OCDE/G20 est fondée sur deux axes :

  • Pilier 1 : Réallocation des revenus entre les différents Etats pour les entreprises multinationales qui génèrent un chiffre d’affaires global de plus de EUR 20 milliards et dont la profitabilité est supérieure à 10% de son chiffre d’affaires. Le pilier 1 va impacter moins de 10 sociétés multinationales ayant leur siège en Suisse et ne devrait pas avoir de conséquence significative pour le canton de Neuchâtel.
  • Pilier 2 : Introduction d’un taux d’imposition global minimal de 15% pour les entreprises multinationales qui réalisent un chiffre d’affaires global de plus de EUR 750 millions (avec possibilité pour les Etats d’étendre les mesures aux autres sociétés). La mesure permettra à l’Etat de la société-mère de percevoir le différentiel d’impôt par rapport à ce que les filiales paieront dans les autres Etats dont le taux d’imposition est inférieur à 15%. Alternativement, un Etat pourra refuser la déductibilité (sous l’angle fiscal) de paiements effectués par une société à une autre société du groupe à l’étranger qui bénéficierait d’un taux d’imposition inférieur à 15%. La plupart des sociétés neuchâteloises appartenant à des groupes internationaux (suisses ou étrangers) seront impactées par cette mesure, étant précisé que les Etats-Unis vont également introduire des principes identiques dans le cadre de la réforme proposée par l’administration Biden.

Dans ces circonstances, le canton de Neuchâtel n’a pas d’autre choix que de rehausser les taux d’imposition. A défaut, une imposition supplémentaire serait donnée en pâture à des Etats étrangers.

Faut-il également rehausser le taux pour les sociétés neuchâteloises qui ne tombent pas sous le coup de Pilier 2 ? Ce point devra être examiné sous l’angle de l’égalité de traitement.

Si les Ministres des Finances s’accordent sur les détails de cet accord, qu’est-ce que ça signifiera pour la Suisse et quelles seront les prochaines étapes législatives ? Quid pour Neuchâtel ?

Une communication de la part de l’OCDE/G20 sur les mesures de mise en place est attendue pour le mois d’octobre 2021. La modification du taux d’imposition nécessitera de modifier la loi d’impôt neuchâteloise : le Conseil d’Etat devra ainsi soumettre un projet de loi au Grand conseil neuchâtelois.

La pression du temps est très importante car le tissu législatif devra être adapté en vue d’une entrée en vigueur au 1er janvier 2023. Neuchâtel ne sera pas seul dans cette situation car un groupe de travail œuvrant sur le plan fédéral donnera des lignes directrices aux cantons.

Les modifications législatives ne devraient pas se concentrer sur les aspects fiscaux uniquement mais pourraient impacter d’autres pans de notre législation tels que les assurances sociales afin de rendre cette réforme globalement neutre pour les acteurs économiques suisses qui souffrent d’un coût de main d’œuvre élevé par rapport à la concurrence étrangère. Ainsi, l’augmentation des recettes fiscales devra impérativement être affectée à des mesures compensatoires pour les entreprises afin de conserver l’attractivité de la Suisse et plus particulièrement du canton de Neuchâtel. Une augmentation générale des coûts en Suisse serait désastreuse en comparaison internationale.

Ueli Maurer demande que les intérêts des petits pays d'innovation soient dûment pris en compte. Concrètement, comment pourraient-ils être considérés ?

Dans le cadre de réforme fiscale des entreprises qui est entrée en vigueur au 1er janvier 2020, deux mesures ont été introduites pour favoriser l’innovation : 1) La déduction supplémentaire des frais de recherche et développement et 2) la Patent Box. La Suisse et d’autres Etats innovatifs ont émis des réserves afin que les mesures incitant à l’innovation soient neutres dans le cadre du calcul du taux d’impôt minimal de 15%. Le but est en effet que les entreprises neuchâteloises puissent continuer à bénéficier de ces mesures et que, dans l’hypothèse où le taux d’imposition descend au-dessous de 15% en raison de l’application de ces mesures, le Pilier 2 ne donne pas la possibilité à l’autre Etat de redresser l’impôt en sa faveur.

Si ces intérêts des petits pays ne sont pas pris en compte, que devront faire la Suisse et Neuchâtel en particulier pour conserver des multinationales ?

Les mesures de compensation devront être adéquates afin de conserver les sociétés neuchâteloises de groupes internationaux, et ceci indépendamment des mesures fiscales encourageant l’innovation.

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