Une étude a été mandatée par le Secrétariat d’État à la formation, à la recherche et à l’innovation (SEFRI), par Promotion Santé Suisse (PSCH), par la Fondation ALU, par la Fondation d’aide aux salarié·e·s (Stiftung für Hilfeleistungen an Arbeitnehmende) et par la Fondation Artisana. Le thème de l'étude était la santé mentale des apprenti·e·s durant l’apprentissage. L'étude a été réalisée par WorkMed (Zentrum Arbeit und psychische Gesundheit).
Sur la base de son étude, WorkMed a observé que l’apprentissage avait un effet positif sur la santé mentale, mais qu'il fallait prendre davantage de mesures en faveur des apprenti·e·s qui rencontraient des difficultés.
Sur la base des résultats de l'étude de Workmed, l'Union syndicale suisse (USS) a fait une lecture partiale et a demandé de reconnaître davantage la filière de l'apprentissage et d'introduire plus de vacances. L'USS s'est fendue d'un communiqué, repris par diverses rédactions, dont ArcInfo.
Cette lecture biaisée de l'USS a incité les associations économiques neuchâteloises et l'Union patronale suisse (UPS) à sortir du bois et à livrer leurs lectures du rapport Workmed. Dans cet article, nous faisons paraître le communiqué de presse de WorkMed ainsi que l'article d'ArcInfo au sujet de la réaction des associations économiques neuchâteloises et la tribune de Marco Taddei, Responsable romand de l'UPS, dans l'AGEFI.
Fin 2024, une enquête a été réalisée auprès de 45'000 apprenti·e·s en Suisse, portant sur leur état de santé durant leur apprentissage, sur leur façon de gérer les défis et le stress et sur les éléments qui les aident à se développer positivement. Les résultats montrent que plus de 80 % des apprenti·e·s se portent globalement bien, voire très bien, durant leur formation. Mais 61 % des personnes interrogées souffrent aussi de problèmes psychologiques, et environ la moitié de ces cas devraient être traités plus activement.
En Suisse, l’apprentissage occupe traditionnellement une place importante, à tel point qu’il est la formation initiale la plus fréquente: actuellement, près de 210'000 jeunes suivent un apprentissage. L’apprentissage a lieu à un moment où les jeunes font face à des étapes importantes de leur développement. Il s’accompagne de changements et de défis, comme le travail en équipe ou la prise de plus de responsabilités. La santé mentale et la résilience des apprenti·e·s revêtent donc une grande importance, tout comme le soutien qui leur est offert pendant l’apprentissage. L’augmentation continue du nombre de jeunes de 18 à 24 ans qui perçoivent une rente AI en raison de problèmes psychologiques illustre à quel point cet aspect est important. S’il peut être éprouvant, l’apprentissage est aussi une opportunité pour bien démarrer dans la vie active. L’enquête a été développée et réalisée par WorkMed, Centre de compétence en psychiatrie du travail, avec le soutien d’apprenti·e·s et en coopération avec les acteurs de la formation professionnelle, la Haute école spécialisée du Nord-Ouest de la Suisse et la société d’enquête Valuequest. 44'669 retours ont pu être exploités. Les résultats sont représentatifs des apprenti·e·s qui suivent une formation professionnelle duale en Suisse.
Satisfaction élevée à l’égard de l’apprentissage, forte évolution personnelle
La plupart des apprenti·e·s étaient enthousiastes à l’idée de commencer leur apprentissage, non sans quelques sources d’inquiétude. Plus de 80 % des apprenti·e·s se réjouissaient de gagner de l’argent, de pouvoir exercer un travail intéressant, d’être autonomes et responsables, de faire quelque chose d’utile et d’acquérir des compétences dans ce métier. Environ 60 % d’entre eux s’inquiétaient le plus souvent d’une possible surcharge de travail, de longues journées de travail et de vacances plus courtes, ou d’un éventuel manque de compréhension vis-à-vis de leurs difficultés personnelles. Près d’un cinquième des apprenti·e·s manquaient d’enthousiasme.
80 à 90 % des personnes en apprentissage déclarent qu’elles se portent plutôt bien, voire très bien durant leur apprentissage, qu’elles le trouvent passionnant et qu’elles sont fières de travailler dans leur entreprise formatrice. Environ 80 % considèrent qu’il règne dans leur entreprise formatrice et leur école professionnelle un climat de respect, de bienveillance, d’exemplarité dans la discipline, d’encouragement, de culture ouverte de l’erreur et de communication d’égal à égal. 80 à 90 % des apprenti·e·s estiment en outre que leurs formateurs et formatrices et leurs enseignant·e·s les prennent au sérieux, leur consacrent du temps et s’engagent en leur faveur. Ils estiment un peu moins souvent (dans 60 à 75 % des cas) qu’on s’intéresse à leur état de santé ou qu’on aborde ouvertement les problèmes. 56 % recommanderaient leur entreprise formatrice, 33 % en partie et 11 % ne la recommanderaient pas. Ici aussi, les relations au sein de l’équipe de travail, l’ambiance de travail et le soutien des formateurs et formatrices sont essentiels, en plus de la qualité de la formation. «Ce résultat réjouissant montre que la formation professionnelle duale fonctionne toujours très bien. Certaines entreprises méritent d’être mieux soutenues, tandis que les secteurs d’activité sont appelés à réagir», déclare Nicole Meier, de l’Union patronale suisse.
Un grand nombre d’apprenti·e·s connaissent une forte évolution personnelle depuis le début de leur apprentissage: près de 90 % se sentent plus responsables et voient leurs compétences progresser. Les jeunes sont fiers d’apprendre ce métier, ont de plus en plus confiance en eux, entrent plus facilement en contact avec les autres, sont plus assidus et curieux qu’avant l’apprentissage et admettent davantage leurs erreurs. Les deux tiers déclarent être moins absents que pendant leur scolarité. 47 % disent être plus motivés à se lever le matin. Et plus de 80 % ressentent l’utilité de leur activité professionnelle. Christophe Nydegger, président de la Conférence suisse des offices de la formation professionnelle (CSFP), en est convaincu: «Pour de nombreux jeunes, l’apprentissage est une véritable opportunité, dans une phase de leur vie où ils acquièrent de nombreuses compétences pour leur future vie professionnelle.» La moitié des apprenti·e·s ont déjà envisagé d’arrêter leur apprentissage. Ils ne l’ont toutefois pas fait – dans 80 % des cas, parce qu’ils ne voulaient pas abandonner. 90 % des apprenti·e·s pensent pouvoir bien gérer les défis de l’apprentissage et les trois quarts font état d’une auto-efficacité moyenne à élevée. «L’image qui est véhiculée d’apprenti·e·s non résilient·e·s devrait être corrigée», estime Barbara Schmocker, auteure principale et psychologue chez WorkMed.
Les problèmes psychologiques sont fréquents, l’apprentissage est souvent une opportunité
Dans le même temps, 61 % des apprenti·e·s ressentent des «problèmes psychologiques» au sens large (des pensées et sentiments négatifs aux crises et maladies psychiques). Les symptômes (et non les diagnostics) de dépression, de troubles anxieux ou de TDAH sont également fréquents. La moitié de ces apprenti·e·s estiment que ces problèmes les limitent dans leur apprentissage. Ceux-ci sont déclenchés à parts à peu près égales par le stress privé (famille, ami·e·s, etc.) et le stress lié à l’apprentissage (entreprise, école professionnelle). Et malgré les problèmes, les offres de suivi proposées par les écoles ou les entreprises ne sont pas utilisées. Pour Rolf Häner, vice-président de la Table Ronde Écoles Professionnelles, une chose est claire: «Nous devons renforcer nos offres de suivi afin de les rendre plus accessibles aux apprenti·e·s souffrant de problèmes psychologiques.» Jackie Vorpe de Travail.Suisse, est du même avis: «L'apprentissage peut être éprouvant – une meilleure prise en compte de la charge mentale de tous les jeunes contribue à renforcer leur réussite».
Toutefois, bon nombre d’apprenti·e·s avaient déjà rencontré des problèmes psychologiques avant l’apprentissage, souvent dès l’école primaire. On peut s’attendre à des problèmes psychologiques durant l’apprentissage d’autant plus qu’il y a eu des antécédents. 6 «types» d’apprenti·e·s ont pu être identifiés sur la base des antécédents. Quatre types commencent leur apprentissage avec des problèmes psychologiques, familiaux et scolaires. Beaucoup d’entre eux évoluent significativement durant leur apprentissage. Les antécédents psychologiques ne permettent guère de prédire si les apprenti·e·s obtiendront de bons résultats ou connaîtront de fortes évolutions durant leur apprentissage. À cet égard, la résilience des apprenti·e·s et le soutien offert durant l’apprentissage sont plus importants.
Conclusion
Les problèmes psychologiques des apprenti·e·s doivent être pris davantage au sérieux, mais sans dramatiser. La plupart des apprenti·e·s ont des problèmes psychologiques et évoluent durant leur apprentissage quand on les prend au sérieux. «La santé mentale se mesure à l’absence de symptômes, mais aussi à la fierté professionnelle, à la motivation et au sens ressenti», conclut Barbara Schmocker. Mais chez environ 25 à 30 % des apprenti·e·s, les problèmes devraient être abordés plus activement. Tous les acteurs de la formation professionnelle doivent redoubler d’efforts dans ce domaine.
La réalisation de cette étude a été rendue possible grâce à un soutien financier du Secrétariat d’État à la formation, à la recherche et à l’innovation (SEFRI), Promotion Santé Suisse (PSCH), la Fondation ALU, la Fondation d’aide aux salarié·e·s (Stiftung für Hilfeleistungen an Arbeitnehmende) et la Fondation Artisana.
Autre lien
https://workmed.ch/wp-content/uploads/bericht-studie-lernende-fr.pdf
Neuf associations professionnelles neuchâteloises réagissent à un communiqué de l’Union syndicale suisse (USS), diffusé le 16 juin, indiquant que «deux tiers des apprentis se plaignent de troubles psychiques dus aux pressions subies». Selon elles, les aspects positifs de l’enquête ont été négligés.
Les associations professionnelles neuchâteloises ne partagent pas les conclusions de l'Union syndicale suisse au sujet de la santé psychique des apprentis. L’USS faisait référence aux résultats d’une enquête nationale réalisée par WorkMed auprès de près de 50'000 apprentis. Les associations neuchâteloises s’étonnent des conclusions du syndicat, ainsi que des «opinions un brin idéologiques» de l’USS, dont le communiqué a été relayé par «ArcInfo» et d’autres médias.
Les aspects positifs
«Après lecture de cette enquête, nous devons aussi en révéler les aspects positifs», précisent-elles. En effet, d’après le communiqué de WorkMed, «80 à 90% des jeunes en formation duale déclarent qu’ils se portent plutôt bien, voire très bien tout au long de leur apprentissage».
En outre, «suivre un cursus professionnel a permis à 90% des jeunes interrogés de se sentir plus responsables et près de la moitié s’estiment plus motivés à se lever le matin que lors de leur scolarité.»
Certes, disent les associations, l’enquête rapporte aussi quelques nuances. Par exemple, que 61% des répondants «ressentent des problèmes psychologiques au sens large», qui peuvent aller des pensées négatives aux maladies psychiques.
«La santé mentale se mesure à l’absence de symptômes, mais aussi à la fierté professionnelle, à la motivation et au sens ressenti», conclut plus loin la responsable de l’enquête. «La santé des apprentis sur le plan psychologique doit donc être prise au sérieux, mais sans dramatiser».
«Souvent dès l’école primaire»
«Bien sûr, les jeunes en apprentissage ne sont pas épargnés par les défis psychologiques», poursuivent les associations neuchâteloises. Qui évoquent la pression scolaire, les exigences au travail ou l’équilibre vie privée-vie professionnelle.
Workmed souligne aussi un problème auquel font face les formateurs: «Bon nombre d’apprenti-e-s ont déjà rencontré des problèmes psychologiques avant l’apprentissage, souvent dès l’école primaire. On peut s’attendre à des problèmes psychologiques durant l’apprentissage d’autant plus qu’il y a eu des antécédents.»
Pas de militantisme idéologique
Et de poursuivre: «Si l’on veut améliorer la santé psychologique des apprentis, encore faut-il partir d’un diagnostic fidèle à la réalité – ni angélique, ni catastrophiste. L’apprentissage professionnel reste, pour des milliers de jeunes, une voie d’excellence, de transmission et de réussite concrète. Accuser le patronat d’exploiter les jeunes revient à méconnaître les réalités d’un monde professionnel profondément transformé.
Les entreprises investissent massivement dans l’encadrement, la formation et l’accompagnement des jeunes, bien souvent avec une bienveillance silencieuse. Il y a certes des abus – comme partout – mais en faire une généralité relève d’un militantisme idéologique plutôt que d’un souci de justice sociale.»
Les neuf associations neuchâteloises sont: AIP (Association industrielle et patronale), apiah (Association patronale des industries de l’arc horloger), Chambre immobilière, CNCI, Convention patronale, FER Neuchâtel, FNE (Fédération neuchâteloise des entrepreneurs), FNSO (Fédération neuchâteloise des associations professionnelles du second oeuvre) et UNAM (Union neuchâteloise des arts et métiers).
Cet article est paru le 25 juin dans ArcInfo
Huit semaines de vacances pour tous les apprentis! Portée par l’Union syndicale suisse (USS), une campagne nationale vient d’être lancée pour prolonger de cinq à huit semaines le congé annuel pendant l’apprentissage. Une lettre ouverte dans ce sens a même été adressée au Conseil fédéral. Les signataires pointent le sentiment de stress et de détresse dont souffrent les apprentis en raison d’une charge de travail excessive et du manque de soutien des employeurs.
L’enquête WorkMed, menée auprès de 45.000 apprentis et récemment publiée, tord le cou à ces allégations. Les résultats sont sans appel: plus de 80% des apprentis déclarent qu’ils se portent bien, voire très bien durant leur formation et que leurs formateurs leur consacrent du temps et s’engagent en leur faveur. Et 80% d’entre eux considèrent qu’il règne dans leur entreprise formatrice un climat de respect et de bienveillance.
Des jeunes fiers d’apprendre leur métier
L’étude montre que l’apprentissage favorise l’épanouissement professionnel des jeunes: plus de 90% des sondés déclarent être plus responsables et plus compétents depuis leur apprentissage et 87% se disent fiers d’apprendre leur métier.
Seule ombre au tableau: 61% des jeunes interrogés disent ressentir des problèmes psychologiques. Un résultat qui doit toutefois être relativisé car ces troubles résultent en grande partie de facteurs liés à la vie privée des apprentis. Qui plus est, bon nombre d’entre eux ont déjà rencontré des problèmes psychologiques avant l’apprentissage, souvent dès l’école primaire.
En résumé, l’enquête WorkMed montre que l’excellence de notre système de formation professionnelle repose également sur un degré de satisfaction élevé des apprentis. Si la Suisse est le pays le plus compétitif de la planète selon l’IMD et si elle peut se prévaloir de jeunes actifs hautement qualifiés et motivés, elle le doit en partie à sa formation «duale» alliant savoirs théoriques et expérience pratique professionnelle.
Davantage de vacances, sur une base volontaire
Dans ce contexte favorable, il serait erroné de balayer d’un revers de main les effets du stress sur les apprentis: les nouvelles tâches à accomplir et la cohabitation avec des collègues de travail plus âgés peuvent créer un environnement déstabilisant pour les adolescents. Mais une chose est sûre: le droit à huit semaines de vacances n’est pas la panacée pour soulager la pression et les contraintes liées au travail.
En Suisse, des milliers d’employeurs s’investissent dans l’encadrement et le suivi des apprentis, avec le souci de leur offrir une formation de qualité. Rien ne les empêche de leur offrir davantage de vacances sur une base volontaire: pour rendre plus attractif le CFC de maçon, le Groupe vaudois des entreprises de maçonnerie a récemment franchi le pas. Mais contraindre toutes les entreprises du pays à offrir huit semaines de congés payés risque de dissuader nombre d’entre elles à former des apprentis.
Marco Taddei
Union patronale suisse - Responsable Suisse romande