Par un arrêt du Tribunal fédéral du 15 mars 2023 (4A_283/2022), un employeur a été condamné à payer à une ancienne employée notamment une indemnité à titre de harcèlement sexuel équivalant à un mois de salaire moyen suisse, soit Fr. 6'502.- et une indemnité pour licenciement abusif correspondant à trois mois de salaire.
Selon l’art. 328 al. 1 CO, l’employeur doit protéger et respecter, dans les rapports de travail, la personnalité de l’employé. Il doit en particulier veiller à ce que les travailleurs ne soient pas harcelés sexuellement et qu’ils ne soient pas, le cas échéant, désavantagés en raison de tels actes.
En l’occurrence, il a été confirmé par le Tribunal fédéral que l’employée avait subi un harcèlement de la part d’un collègue du fait qu’elle avait fait l’objet de questions et de propos déplacés de sa part, que, lors de la soirée de Noël, l’employé avait touché les fesses de la travailleuse à deux reprises, et qu’il lui avait demandé la taille de son soutien-gorge à l’issue d’une conversation dans les locaux de l’employeur.
Pour rappel, l’art. 4 de la loi fédérale sur l’égalité entre femmes et hommes (LEg) définit le harcèlement sexuel comme un comportement importun de caractère sexuel ou tout autre comportement fondé sur l’appartenance sexuelle, qui porte atteinte à la dignité de la personne sur son lieu de travail, en particulier le fait de proférer des menaces, de promettre des avantages, d’imposer des contraintes ou d’exercer des pressions de toute nature sur une personne en vue d’obtenir d’elle des faveurs de nature sexuelle. Le harcèlement sexuel peut prendre différentes formes : remarques sexistes, commentaires grossiers ou embarrassants, usage de matériel pornographique, attouchements, invitations gênantes, avances accompagnées de promesses de récompense ou de menaces de représailles (Message du 24 février 1993 concernant la LEg, FF 1993 I 1219 ch. 31 ad art. 7). Bien que l’art. 4 LEg ne se réfère qu’à des cas d’abus d’autorité, la définition englobe tous les comportements importuns de caractère sexuel, soit également ceux qui contribuent à rendre le climat de travail hostile, par exemple des plaisanteries déplacées (ATF 126 III 395 consid. 7b/bb; arrêts 4A_544/2018 du 29 août 2019 consid. 3.1 et les arrêts cités; 4A_18/2018 du 21 novembre 2018 consid. 3.1).
Lorsque la discrimination porte sur un cas de harcèlement sexuel, le tribunal peut condamner l’employeur à verser au travailleur une indemnité, à moins que l’employeur ne prouve qu’il a pris les mesures que l’expérience commande, qui sont appropriées aux circonstances et que l’on peut équitablement exiger de lui pour prévenir ces actes ou y mettre fin.
En l’occurrence, l’employeur avait mis en place trois différents outils pour dénoncer des cas de harcèlement sexuel. Il s’agissait d’une directive figurant sur l’intranet de l’entreprise contenant un formulaire de plainte, un programme d’assistance externe avec des affiches placardées dans les cafétérias et un outil de dénonciation.
Il a été jugé que le mode d’utilisation, voire l’existence même desdits outils étaient méconnus du personnel et que leur diffusion et leur publicité auprès des employés étaient manifestement défaillantes. En effet, la directive était difficilement accessible sur le site intranet et le formulaire de plainte n’apparaissait qu’en petits caractères qu’à l’avant-dernière page de la directive et pas de manière explicite, les affiches du programme d’assistance externe ne faisaient pas référence au harcèlement sexuel et l’outil de dénonciation ne mentionnait pas la problématique du harcèlement sexuel. Il a été constaté que le mode d’utilisation de ces outils n’était pas maîtrisé, voire totalement méconnu par le personnel et que la présentation aux employés n’avait été que très superficielle. Du fait que les employés méconnaissaient la procédure interne à suivre dans le cas d’une dénonciation pour harcèlement sexuel, le Tribunal fédéral a conclu à un important défaut de diligence de la part de l’employeur le condamnant à une indemnité selon l’art. 5 al. 3 LEg.
La conclusion de cet arrêt n’est pas valable uniquement en matière de harcèlement sexuel mais également pour tous les autres types de conflits internes. En effet, il ne suffit pas de mettre en place un dispositif de prévention et gestion des conflits internes par lequel l’employeur met à disposition de ses employés une personne de confiance auprès de qui ils peuvent obtenir des conseils et un soutien (comme par exemple le service de prévention et gestion des conflits internes proposé la CNCI), il faut encore que ce dispositif soit connu des employés. C’est pourquoi son existence et son mode d’utilisation doivent être régulièrement rappelés aux employés.