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08.12.2023 - 14:45

Les seniors et le marché du travail

Interview de Marco Taddei, Directeur romand de l'Union patronale suisse

Marco Taddei est Directeur romand de l’Union patronale suisse, après avoir travaillé à l’Union suisse des arts et métiers (usam). Licencié en sciences politiques à l’Université Neuchâtel, il connaît bien notre canton puisqu’il a vécu à Marin plus de dix ans. Marco Taddei entretient des liens étroits avec le Canton de Neuchâtel. La CNCI est membre de l’Union patronale suisse.  Marco Taddei répond aux questions de la CNCI et de la Revue « Pays Neuchâtelois » du mois de décembre 2023, dont le le sujet principal est consacré au seniors dans le Canton de Neuchâtel.
 
A partir de quand devient-on senior ? Quelles sont les statistiques du marché du travail? Quelles difficultés rencontrent-ils? 
En Suisse, on devient « senior » ou travailleur âgé, à partir de 50 ans. Les statistiques du SECO tordent le cou à quelques idées reçues selon lesquelles les seniors seraient les grands perdants sur le marché de l’emploi. Voyez plutôt. En septembre de cette année, le taux de chômage des personnes de plus de 50 ans atteignait 1,8%, soit 0,2% de moins que la moyenne suisse. Force est toutefois de constater que les plus de 50 ans au chômage mettent en moyenne beaucoup plus de temps à retrouver un emploi que les plus jeunes. L’âge élevé associé à une formation inadaptée aux exigences du monde de travail actuel augmentent le risque de chômage de longue durée des seniors. C’est là que le bât blesse.

En tant que senior est-on mieux considéré en 2023 que 20 ans plus tôt? Qu’observez-vous?
Le sort des seniors s’est amélioré ces dernières années. D’abord, parce que cette catégorie d’actifs est mieux intégrée sur le marché du travail que par le passé. En 2020, la Suisse comptait 1,654 million de personnes actives de 50 ans ou plus, soit un tiers (33,5%) de la population active totale, une part qui a progressé par rapport à 1991 (24,0%). 

Ensuite, parce que les pouvoirs publics ont pris plusieurs mesures en leur faveur. Ainsi, en 2019, le Conseil fédéral a adopté, avec le soutien des employeurs, un plan d’action pour améliorer l’employabilité des seniors, qui prévoit notamment le renforcement de l’action des Offices régionaux de placement (ORP) en matière d’accompagnement et de conseil.


Quels sont les avantages pour une entreprise d’occuper des seniors? 
Les avantages sont nombreux. En premier lieu, les seniors possèdent un savoir-faire et une expertise incomparables, acquises tout au long de leur longue carrière professionnelle et transmissibles aux plus jeunes employés. Ils présentent aussi l’avantage de la stabilité : un salarié senior a déjà travaillé de nombreuses années et ses envies de changer d'emploi ou d'entreprise sont moindres. Sa valeur d’expérience est précieuse : le travailleur âgé est habitué au fonctionnement d’une entreprises et intègre rapidement ses règles de fonctionnement. Les plus de 50 ans peuvent enfin se prévaloir d’un vaste réseau de contacts. En un mot, les seniors sont un véritable « or gris du marché du travail » susceptibles d’apporter une plus-value à l’entreprise qui l’occupe, a fortiori dans un contexte de pénurie de main-d’œuvre.

Y a-t-il des domaines d’activités qui privilégient l’engagement de seniors? 
Le vieillissement démographique aidant, l’engagement des seniors devient inéluctable, force est de constater que, à l’exception des métiers dits « pénibles » et des secteurs couverts par une CCT prévoyant une retraite anticipée, tous les secteurs d’activité qui sont confrontées à une pénurie de talents inédite, embauchent toujours plus de seniors.

Quels sont les outils que les seniors peuvent utiliser pour maintenir leur employabilité?
Afin de maintenir l’employabilité des seniors, la mise en place d’un système de formation favorisant l’apprentissage tout au long de leur carrière professionnelle devient une nécessité. Autre priorité : établir un dialogue précoce, ouvert et transparent avec les employeurs en vue de définir leurs perspectives d’avenir professionnelles. 

Trop souvent, les travailleurs âgés doivent faire face à des préjugés sur leur supposé manque de rendement, de flexibilité et de créativité. Un changement culturel doit s’opérer afin que l’expérience professionnelle et le savoir-faire des seniors soient mieux valorisés. Il importe enfin de s’opposer aux velléités des syndicats de renforcer la protection des seniors contre les licenciements. En effet, quand un chef d’entreprise sait qu’il ne peut plus licencier, il renonce à embaucher.


Avez-vous des success stories de seniors qui ont continué à travailler bien après l’âge de la retraite?
La Suisse est l’un des pays d’Europe où l’âge du départ à la retraite est le plus bas, bien que l’espérance de vie y soit plus élevée. En moyenne, les Suisses quittent le marché du travail à l’âge de 65 ans. Or, si l’entreprise et le collaborateur y trouvent leur compte, le maintien en emploi après 65 ans doit être favorisé. 

Migros et Coop ont récemment lancé un programme pour maintenir en emploi les 65 ans et plus. Les deux grands distributeurs proposent plusieurs options pour pouvoir continuer à travailler après l’âge de la retraite. Le temps de travail est déterminé individuellement, et cette prolongation est possible au maximum jusqu’à 70 ans. Le succès est au rendez-vous puisque de plus en plus de candidats ont montré leur intérêt pour cette offre.

Quels sont les outils / plateformes que peuvent utiliser des employeurs neuchâtelois pour trouver des seniors? Et quels outils peuvent utiliser des seniors pour trouver du travail?
Les employeurs neuchâtelois peuvent accéder à la plateforme www.focus50plus.ch (encore en allemand), lancée en janvier 2022 par l’Union patronale suisse en collaboration avec plusieurs grandes entreprises de renom. Ce réseau patronal a pour mission d’aider les entreprises à utiliser de manière durable le potentiel de travail des collaborateurs et des personnes sans emploi âgés de 50 ans et plus. En parallèle, elle s’engage pour l’aménagement de conditions-cadres optimales dans les domaines politiques, juridiques et économiques, afin de favoriser l’employabilité des plus de 50 ans.

Les seniors, quant à eux, peuvent profiter de l’offre viamia, qui a été élaborée par le SEFRI en collaboration avec les partenaires sociaux. Grâce à viamia, les personnes de plus de 40 ans ont la possibilité de réaliser une analyse périodique et gratuite de leur situation professionnelle, en tenant compte de l’évolution des exigences sur le marché de l’emploi.  Cela passe notamment par un « test d’employabilité » qui vise à examiner leur potentiel sur le marché du travail.

Pour faire face à la pénurie de la main-d’œuvre, l’engagement de séniors est-elle une alternative? 
La pénurie de main-d’œuvre a atteint un niveau record en Suisse. Les chiffres, maintes fois rappelés, soulignent la gravité de la situation : quelque 120’000 postes seraient actuellement vacants et, le déclin démographique aidant, un demi-million de travailleurs pourraient manquer d’ici à 2030. Pour éviter ce scénario catastrophe, l’engagement des seniors devient prioritaire au même titre que l’embauche des femmes, des jeunes et des personnes atteintes dans leur santé. 

Que fait l’Union patronale suisse en faveur des seniors?
L’emploi des seniors est une priorité de l’UPS, qui a défini deux axes d’interventions : l’encouragement de la formation continue et la sensibilisation des employeurs aux atouts des travailleurs âgés. Compte tenu de la pénurie de main-d’œuvre qui touche un nombre croissant de secteurs économiques, l’UPS  a décidé de passer la vitesse supérieure en lançant en janvier 2022 la plateforme www.focus50plus.ch

En Suisse, y a-t-il des exemples de bonnes pratiques par rapport à l’engagement de seniors?
Il faut le répéter : en Suisse, les plus de 50 sont bien intégrés sur le marché du travail. Les entreprises, tous secteurs confondus, jouent le jeu. Certaines grandes sociétés ont introduit le modèle dit « des carrières en arc », qui consiste à réduire le taux d’occupation et certaines responsabilités des employés avant la retraite. Cela favorise l’engagement des seniors et permet à un nombre élevé d’entre eux de rester plus longtemps sur le marché du travail.

Politiquement, qu’est-ce qui va changer par rapport aux seniors?
Le nouveau Parlement a un rôle à jouer pour favoriser l’employabilité des seniors. Deux niveaux d’intervention doivent être privilégiés. Il faut d’abord moderniser la loi fédérale sur le travail de 1964. Une base légale d’un autre temps, taillée pour le monde industriel. En flexibilisant les horaires de travail, les entreprises pourraient accroître leur attractivité et, par là même, engager davantage de seniors. Des mesures s’imposent également pour développer l’employabilité des retraités. En 2022, 37% des plus de 65 ans étaient actifs, selon l’Office fédéral de la statistique. Pour que les retraités deviennent une nouvelle force de travail, l’offre de formation continue en fin de carrière doit être étoffée.

Liens

  • Site de l'Union patronale suisse 
  • viamia: analyse périodique et gratuite de la situation professionnelle pour les personnes de plus de 40 ans, en tenant compte de l’évolution des exigences sur le marché de l’emploi. 
  • focus50plus (en allemand): réseau destiné aux employeurs soucieux de promouvoir l'employabilité des salariés plus âgés et de démontrer les avantages d'une collaboration réussie intergénérationnelle dans l'entreprise

Infos sur la revue Pays neuchâtelois

La revue Pays neuchâtelois est éditée par La Colombe gourmande à Colombier. Parution 2 à 4 numéros par année. redaction@paysneuchatelois.ch | info@paysneuchatelois.ch

Page de titre de la revue "Pays Neuchâtelois N° 65 // Décembre 2023 – Mars 2024"  avec intégration de l'interview de Marco Taddei, Directeur romand de l'Union patronale suisse

 

Charles Constantin

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