Carole Berthoud, titulaire d’une lic. phil. et d’un CAS Développement Organisationnel, est conseillère Organisations au sein du Bureau UND. Fondé depuis bientôt 30 ans, le Bureau UND, en tant que centre de compétences, conseille des employeurs (publics et privés) dans les domaines de la conciliation, de l’équilibre de vie, de l’égalité et de la durabilité sociale. Carole Berthoud interviendra lors d’un atelier pratique le 17 septembre 2024 afin de soutenir et appuyer les entreprises souhaitant mettre en œuvre ou améliorer la conciliation vie privée-vie professionnelle. Elle répond à nos questions.
Depuis quand parle-t-on de conciliation vie professionnelle – vie privée ?
On pourrait dire que l’industriel américain Henry Ford a favorisé l’idée d’équilibre entre travail et vie privée dans les années 20 déjà en adoptant la semaine de travail de 5 jours et des journées de 8 heures dans ses usines. Son but était de diminuer la fluctuation du personnel et d’augmenter la productivité.
L’émergence de la notion de conciliation travail – vie privée dans son sens actuel se doit avant tout à deux facteurs :
D’une part, le développement de nouvelles technologies vers la fin du XXème siècle, qui a fortement bouleversé les méthodes de travail pour beaucoup d’employé-e-s. Elles leur ont entre autres permis de rester connectés à leur travail et de travailler depuis n’importe où, ce qui a commencé à brouiller les limites entre travail et vie privée.
D’autre part, la notion de conciliation travail – vie privée s’est beaucoup développée dans le contexte de l’égalité entre hommes et femmes. En Suisse, la loi fédérale sur l’égalité entre femmes et hommes est entrée en vigueur en 1996, elle aborde l’égalité dans le domaine du travail. Afin que les femmes et les hommes aient les mêmes possibilités d’exercer une activité professionnelle, il est nécessaire de renforcer la conciliation entre travail et vie familiale/privée.
C’est dans ce contexte que le Bureau UND a été fondé. Il conseille depuis bientôt 30 ans des employeurs (publics et privés) afin d’améliorer la conciliation travail – vie privée des employé-e-s.
Comment ont évolué les mesures prises par les entreprises au cours de ces dernières années ?
Depuis la création du Bureau UND, différents changements sociétaux ont modifié l’importance de la thématique et la manière de l’aborder par les employeurs.
La pandémie du covid a accéléré la digitalisation de nombreuses tâches et le télétravail s’est fortement répandu, et ce aussi dans des domaines qui paraissaient auparavant peu probables. Les jeunes générations ont des modes de vie plus diversifiés et confrontent les employeurs avec de nouvelles exigences en ce qui concerne la conciliation travail – vie privée.
En plus, la raréfaction des ressources (démographie, faible taux de chômage, baisse d’attractivité des métiers contraignants) est un facteur qui pousse les entreprises à revoir leurs pratiques et investir dans leur marque employeur. Des modalités qui permettent de bien concilier travail et vie privée sont devenues un atout important pour trouver et fidéliser des collaborateurs/-trices.
Le temps partiel s’est ainsi fortement démocratisé, des modèles d’horaires flexibles ou souples sont mis en place dans les entreprises et les modes de management ont fortement évolués. Les entreprises sont de plus en plus sensibles aux besoins des parents et proposent différentes mesures pour leur permettre de mieux concilier le travail et la vie familiale (soutien pour les crèches, adaptations des horaires, aides financières, etc.). Des possibilités d’achats de vacances ou de congés sans soldes sont proposés aux employé-e-s. De plus, les entreprises ont fait beaucoup d’efforts pour engager plus de femmes dans des fonctions de cadres et pour améliorer l’égalité salariale.
Comment se positionne la Suisse dans ce domaine ?
En tant que Bureau UND nous ne sommes par actifs au niveau politique. Mais comparé à ses voisins européens, on pourrait dire que la Suisse est plus attentiste en ce qui concerne les bases légales. D’autres états se dotent d’un éventail de lois plus contraignantes, par exemple en ce qui concerne les heures de travail hebdomadaires, les offres de structures d’accueil pour les enfants ou les congés maternité/paternité respectivement parentaux.
En tant qu’état fédéraliste, beaucoup de mesures sont prises au niveau cantonal ou communal, d’autres modalités sont négociées entre partenaires sociaux et économiques. Ainsi, les dispositions, réglementations et progrès sont très différents selon les branches et secteurs économiques. Je pense que les entreprises ont d’une part plus de marge de manoeuvre que dans d’autres pays, d’autre part elles reçoivent aussi moins de soutien public.
Pour quelles raisons les entreprises contactent-elles votre organisation ?
Au fond, il s’agit toujours d’améliorer le bien-être des employé-e-s, ce qui peut entraîner des répercussions positives à beaucoup de niveaux (santé, motivation, innovation, productivité, absentéisme etc.). Avec la pénurie de main-d’oeuvre croissante nous observons un intérêt accru pour la thématique de la conciliation dans de nouvelles branches, les entreprises concernées souhaitant améliorer leur marque employeur.
La thématique est devenue de plus en plus complexe avec l’individualisation des modes de vie et il n’est pas facile pour les employeurs d’identifier les mesures qui vont avoir le plus grand impact et qui sont d’autre part adaptées et réalisables dans leur structure.
Certaines entreprises nous demandent un audit externe afin de dresser un état de lieux des offres existantes et des domaines d’action nécessaires. Pour d’autres clients nous menons des sondages de satisfaction auprès des collaborateurs/-trices. Nous avons par ailleurs autour de 70 entreprises qui ont suivi un processus en cinq étapes et obtenu notre label, qui distingue des entreprises qui s'engagent particulièrement en faveur de la conciliation entre travail et vie privée de ses employé-e-s.
Quels sont les écueils les plus couramment rencontrés lors de la mise en oeuvre de mesures en matière de conciliation ?
A un niveau plus abstrait, j’aimerais aborder une certaine résistance ou une réticence au changement que je peux observer chez des responsables d’entreprises (et que je peux très bien comprendre). Les bouleversements sociétaux, technologiques et démographiques des dernières décennies sont immenses et les managers, comme bien d’autres personnes, ont du mal à gérer tous ces changements. Cependant, pour conserver sa compétitivité et capter les ressources clés, il est inévitable de s’y confronter, s’y intéresser et d’y réagir. Si l’on n’adapte pas les formes de management et les modalités de travail, il va être impossible de survivre sur le marché. Indépendamment du fait que l’on approuve ces évolutions ou non, c’est une réalité qui s’impose aux entreprises.
Pour devenir plus concrète, il est important que la démarche de diagnostique puis de transformation de l’entreprise soit soutenue et portée par la direction. Il s’agit de transmettre des valeurs et de créer une culture d’entreprise favorable à la conciliation. Si les mesures ne sont pas soutenues et appliquées par les cadres, celles-ci ne pourront pas réellement être instaurées dans l’organisation.
Nous rencontrons souvent des petites entreprises qui pensent qu’elles n’ont pas les moyens pour aborder la thématique de la conciliation. Il est vrai que beaucoup de changements demandent un certain investissement. Cependant, il existe un large éventail de mesures à faible coût et les petites entreprises ont des avantages (proximité, culture d’entreprise, etc.) que d’autres n’ont pas.
Pour conclure, ce qui prime, c’est de définir un panel de mesures adaptées aux possibilités et à la culture d’entreprise et qui répondent aux besoins des collaborateurs-trices. Notre expérience nous montre qu’il n’existe pas une recette universelle applicable de manière identique pour toutes les entreprises. La démarche du Bureau UND, à travers de ses consultant-e-s spécialisés sur le sujet, consiste justement à aider les organisations à qualifier les attentes des employé-e-s et concevoir un ensemble de mesures adaptées aux spécificités de chaque entreprise.
Pour plus d’information sur le Bureau UND : Fachstelle UND (Bureau UND)
Lors de l’atelier du 17 septembre 2024, Mme Carole Berthoud apportera aux entreprises une approche pratique leur permettant de réfléchir à la mise en place ou l’amélioration de mesures en matière de la conciliation entre la vie professionnelle et la vie privée.
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