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04.04.2022 - 07:26

Bernard Wuthrich, invité de la CNCI

Confessions journalistiques

Bernard Wuthrich a tiré sa révérence en tant que correspondant parlementaire et chef du bureau du Temps au Palais fédéral. Son parcours a été jalonné de milliers d’articles écrits dans les colonnes de la Feuille d’avis de Neuchâtel, de La Suisse, de L’Agefi, du Journal de Genève et, enfin du Temps. Tout au long de sa carrière, il a eu l’occasion de côtoyer diverses personnalités : des simples quidams, des entrepreneurs, des lobbyistes, des chefs d’offices, des parlementaires, des Conseillers fédéraux… Il a assisté de très près aux changements qui ont marqué la Suisse au cours de ces 40 dernières années. Il a vécu "en live" des moments forts de notre démocratie. Lors d’une rencontre à la CNCI, dans le cadre de l'événement « Sens politique », l’intervieweur a été interviewé. Morceaux choisis sur des questions ayant trait au métier de journaliste, à la politique suisse et au Canton de Neuchâtel

MÉTIER DE JOURNALISTE

Mutations vécues

  • Mutation technologique: à mes débuts, tout était imprimé et tout paraissait dans la presse du lendemain. L’information aujourd’hui est immédiate. Les « pure players » (twitter, facebook, 20 minutes, watson, blick, nau.ch ) mettent la pression.
  • Mutation politique: jusqu’au refus de l’EEE en 1992, le Conseil fédéral gagnait très souvent les votations. Depuis lors, le Conseil fédéral a subi des déconvenues (initiative des Alpes, Minarets, Lex Weber, RIE III, Prévoyance vieillesse 2020, Burka, loi CO2…). Il est de moins en moins rare que des initiatives populaires passent la rampe. Il faut dire aussi qu’il y en a de plus en plus qui sont déposées. Autre fait à relever : dans les campagnes sur des objets politiques en votation, les arguments sortis par les référendaires diffèrent de ceux présentés dans les hémicycles (p.e. mariage pour tous).
  • Mutation du métier de journaliste: avant, nous traitions de l’actualité dans sa globalité. Aujourd’hui l’actualité est traitée le jour-même. Par rapport à une information qui paraît dans la presse écrite du lendemain, les journalistes doivent la commenter, la mettre en contexte et l’assortir de témoignages inédits.

Le réseau d’un journaliste

Après 40 ans de journalisme, j’ai développé mon réseau (Conseil fédéral, Parlementaires, administration, lobbyistes, partis politiques, Conseillers d’Etat…). Avoir ces connexions est à double tranchant. La question que doit se poser un journaliste en possession d’une information est : « A qui profite le crime ? ». J’ai comme principe de vouvoyer mes interlocuteurs. Cela me permet de garder une distance critique.

Apparition de la haine dans les relations entre lecteurs et journalistes

Le coronavirus a fait naître une certaine haine envers certains journalistes. Dans le dossier énergétique qui m’a passablement occupé, les anti-éoliennes se sont montrés haineux envers moi, parce que je ne partageais pas le même avis qu’eux.  On assiste à des dérapages, surtout sur les réseaux sociaux. Mais je me suis toujours bien maîtrisé et c’est le conseil que je donne à de jeunes journalistes.

Réseaux sociaux

Pour le moment, ils ne pèsent pas encore sur les résultats des votations. Cependant, certaines votations ont fait l’objet d’un traitement plus intense sur les réseaux sociaux (p.e. No Billag et la loi sur les jeux d’argent).  La loi Netflix pourrait également animer les débats sur les réseaux sociaux. Les médias doivent se préparer à plus d’emprise des réseaux sociaux sur le verdict des urnes.

Evolution du journal Le Temps

Le Temps appartient à la Fondation Aventinus qui lui a apporté un bol d’air financier. De nouveaux services ont été développés : les forums et les tables rondes. Ces nouveaux services contraignent les journalistes à acquérir de nouvelles compétences (p.e. animer un débat) et à devenir polyvalents. Les priorités éditoriales, les valeurs et les engagements du Temps sont définis dans sa charte rédactionnelle mise à jour en juin 2019. Par exemple il y est mentionné que Le Temps indique clairement si un contenu publié sur ses plateformes est sponsorisé et le rôle exact du partenaire selon le type de partenariat en vigueur.

POLITIQUE

Le Conseil fédéral pendant le Covid

On a pu percevoir des courants différents au sein du collège gouvernemental. Le Conseil fédéral a été au bord de la rupture en automne 2020, lorsqu’il a laissé la main aux cantons. L’a-t-il fait exprès ? Les membres du Conseil fédéral ne le diront jamais. Toujours est-il que le fédéralisme à l’épreuve du covid constituerait un beau sujet de recherche universitaire. Il faut encore un peu de recul avant de faire ce travail de recherche.

Relations avec l’Union européenne

Si le Conseil fédéral a une carte cachée, alors elle est vraiment bien cachée !!! La crise ukrainienne risque d’encore plus fragiliser la Suisse et de mettre son dossier tout au fond de la pile des dossiers de l’UE. Du temps de Pascal Couchepin, Micheline Calmy-Rey et Christoph Blocher, le Conseil fédéral aurait peut-être été en mesure d’imposer son point de vue dans un dossier comme l’accord-cadre.

Energie

Il ne faut pas confondre pénurie et blackout. Doris Leuthard et Simonetta Sommaruga ont fait le job avec les pays voisins. Swissgrid est en contact avec ses homologues européens par rapport au réseau. Guy Parmelin a appelé à se préparer à de possibles pénuries d'électricité. C’est certainement aussi un message adressé aux Verts qui sont contre le pétrole, le nucléaire, l’éolien… mais qui doivent se rendre à l’évidence des difficultés d’approvisionnement et de la nécessité de la Suisse d’avoir plus d’autonomie énergétique. Booster le nucléaire ? A la limite reconstruire une centrale à Mühleberg. Mais sinon, ce ne sera pas possible.

Fiscalité

Le Conseil fédéral veut mettre en œuvre par étapes le projet conjoint de l'OCDE et du G20 sur l'imposition de l'économie numérique en Suisse. Il établit une nouvelle norme constitutionnelle et soumet dispositions transitoires. La stratégie est courageuse. Il y aura deux votes : la constitution et la loi d’application.

J’observe que les initiatives ont aussi le l’objectif de dissuader les gouvernements à trop écouter les milieux économiques.

La fiscalité en lien avec le financement des infrastructures est appelée à vivre de profonds bouleversements. La mobilité électrique change le paradigme.

 

LE CANTON DE NEUCHÂTEL

Problème de taille

La perte d’un Conseiller national a rangé Neuchâtel dans les petits Cantons. Ça a été un dégât considérable. Le Canton se bat pour gagner des habitants (délégué à la domiciliation). Le problème est aussi qu’il n’est pas le seul à le faire.

La délégation neuchâteloise à Berne

Il y a eu un très fort renouvellement en 2019 : 3 nouveaux Conseillers nationaux sur 4 ; 2 Conseillers aux Etats sur 2 (même si Philippe Bauer avait effectué une législature comme Conseiller national). Damien Cottier, en prenant la Présidence du Groupe PLR, et Baptiste Hurni, en étant Président de la Fédération Suisse des Patients, se profilent bien.

Le Canton se vend-il bien à Berne ?

Avec son team « Relations extérieures et communication », le Canton ne « va pas aussi loin » dans ses démarches que d’autres cantons.

La proximité avec la Suisse allemande : un atout pas assez utilisé

Malgré le fait que Neuchâtel soit limitrophe au Canton de Berne et à la Suisse alémanique, il n’est pas assez ouvert à la culture et à la langue d’outre-Sarine. Au niveau de la formation, il y a un effort à fournir pour ouvrir les Neuchâtelois à la culture germanophone et à la langue allemande. Au niveau des raccordements routier et ferroviaire, c’est symptomatique. Pour se rendre à Bienne, il faut le faire sur une route cantonale munie de plusieurs radars. La liaison routière direction Berne n’est pas optimale, non plus. Fait réjouissant : la liaison ferroviaire vers Berne a été considérablement améliorée: doublement intégral de la voie entre Gümmenen et Berne ainsi que matériel roulant flambant neuf.

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