Mathieu Wildhaber, spécialiste de la rhétorique, est fondateur du cabinet VOX. Depuis le 19 août passé, il est chroniqueur à la Matinale de la RTS (séquence « Parlons peu, parlons bien »). Il vient de publier le « Petit manuel de la RHETORIQUE en entreprise ». Dans son livre, Matthieu Wildhaber, membre de la CNCI, fait même référence à une anecdote datant du cocktail 2024 de la CNCI de la nouvelle année. Au cours d’une séance de dédicaces à la librairie Payot de Neuchâtel, il répond à nos questions... des questions forcément ouvertes.
Votre livre traite de la rhétorique en entreprise. En quoi la rhétorique en entreprise se distingue-t-elle de la rhétorique en d’autres lieux ?
En entreprise particulièrement, toute communication doit appeler une réflexion et une action. La vente, la défense d’un projet ou encore l’intégration d’un nouvel outil RH, tout a pour objectif de faire réfléchir et de mettre en mouvement. C’est justement le rôle de la rhétorique, et ce depuis plus de 2'000 ans.
Pour quelle raison une maison d’édition de livres française (Eyrolles) a-t-elle recruté un petit Suisse (en l’occurrence un Neuchâtelois) pour publier un livre sur la rhétorique, art dans lequel excellent nos voisins français ? Quels ont été les défis dans la rédaction de votre livre ?
La mission qui m’a été confiée : parler d’une rhétorique quotidienne ; celle liée aux collaboratrices et collaborateurs. Pour la maison d’édition Eyrolles, l’objectif était de ne pas reproduire un énième ouvrage théorico-académique, mais bel et bien pratique.
Qui devraient être les lecteurs du petit manuel de RHETORIQUE en entreprise? A quels publics-cible dans l’entreprise votre manuel est plus spécialement destiné ?
En priorité, à celles et ceux qui doivent fédérer des collaboratrices et collaborateurs. Ce livre permettra, par exemple, aux managers de comprendre comment communiquer pour embarquer. Mais plus largement, toute personne devant s’exprimer trouvera dans ce livre de quoi satisfaire une soif d’apprentissage.
Comment votre livre est structuré ? De quelle manière le lecteur y trouve-t-il de la matière pour progresser dans la rhétorique ?
Une première partie est dédiée à l’émetteur du message. Cela va de sa propre réputation à la manière de mieux communiquer. La seconde partie traitera davantage d’une rhétorique plus générale en entreprise. Cela ira du small-talk aux réunions en passant par la mauvaise rhétorique.
Vous avez 32 ans. D’où tirez-vous la matière pour donner vos conseils dans votre livre ?
Trois sources animent ce savoir : il y a les études, le mentorat auprès d’experts qui me sert énormément, et bien évidemment ma pratique quotidienne en entreprise et dans les médias.
Sur la couverture de votre livre, vous écrivez. « La règle aujourd’hui ? Parle, ou crève ». Pour quelle raison celui qui se tait devrait-il mourir ?
Au-delà de l’exercice marketing qui provoque, aujourd’hui, celle ou celui qui se tait sera relégué sur le banc de touche. Nous vivons une période d’hyper-communication, où il est question de parler peu, mais surtout de parler bien. Se taire n’est aucunement la solution.
Au niveau oratoire, comment se « portent » les dirigeants et patrons neuchâtelois ?
En Suisse de manière générale – et c’est ce qui nous distingue de nos voisins français – on surfe davantage sur une coutume écrite, et Neuchâtel n’y échappe pas. Cela vient logiquement des langues nationales qui divisent sur le plan oratoire. Ce qui est agréable, c’est d’observer la nouvelle génération qui connaît très bien les enjeux et les bénéfices d’une rhétorique maîtrisée.
Quels sont les bons exemples de prises de paroles de dirigeants d’entreprises que vous mettriez en avant ? Et pour quelles raisons ?
En France, Emmanuel Faber, ancien patron de Danone, et en Suisse, Sergio Ermotti, de l’UBS ou encore Nathalie Brodard, entrepreneure, sont de bons exemples. En Suisse, la conseillère aux Etats Johanna Gapany maîtrise aussi une rhétorique de qualité. Ce qui importe, c’est de faire trianguler la posture, la pertinence et l’émotion dans le message. En rhétorique, il faut pouvoir représenter une certaine autorité lorsque l’on prend la parole, c’est essentiel pour servir de point de repère. Mais il faut aussi jongler entre la pertinence et les émotions. À ce propos, retenez que dans la vie, nous parlons d’achat coup de cœur, et jamais de coup de cerveau.
Depuis le mois d’août, vous êtes un chroniqueur quotidien à la Matinale RTS. Vous décortiquez discours, interventions et communications. Comment se préparent vos interventions ? Comment choisissez-vous vos sujets ?
Chaque chronique nécessite évidemment un grand travail de fond. Il est hors de question de parler de choses non maîtrisées devant autant d’auditrices et auditeurs, qui plus est pour une quotidienne. L’actualité et le quotidien me servent de vivier, et ce dans toute la francophonie. Il faut dire que la rhétorique est partout !
Au juste, quelle est votre référence en termes de rhétorique ? Et pour quelles raisons ?
J’ai toujours été fasciné par Simone Veil, icône de la défense des femmes. Son discours sur le droit à l’avortement reste pour moi le symbole du courage et de la conviction.
Chroniqueur à la RTS, auteur d’un premier livre publié par une maison d'édition parisienne. En ce début d’automne, nourrissez-vous encore d’autres rêves ?
Je ne le cache pas : il y a un souhait de devenir l’une des références francophones dans le monde de l’architecture du discours. Ce serait une consécration immense. Je vous donne rendez-vous dans quelques années.
Référence
Petit manuel de RHÉTORIQUE en entreprise
La règle aujourd'hui ? Parle ou crève
Matthieu Wildhaber
Editions Eyrolles, 2024
ISBN: 978-2-416 01665-3