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20.06.2022 - 16:00

Potentiels encore à exploiter dans la sous-traitance horlogère

Entretien avec Lamia Ben Hamida et Alain Segessemann de la HE-Arc

La situation conjoncturelle actuelle difficile (guerre en Ukraine, crise sanitaire) rend indispensable une meilleure compréhension des enjeux liés aux ressources économiques nécessaires à la production pour les branches économiques en Suisse. Dans le cadre de cette recherche exploratoire, la HE-Arc a questionné la localisation de ces ressources pour la production de la principale branche économique du canton de Neuchâtel en termes d’emplois, à savoir l’horlogerie. Les résultats montrent que les ressources de l’horlogerie sont inégalement réparties sur le territoire neuchâtelois en fonction du type de ressources mobilisées (industries vs services). Les ressources industrielles sont globalement bien présentes à Neuchâtel, alors que les ressources en matière de services y sont très peu présentes, et concentrées surtout dans les grands centres urbains du pays (Zurich, Berne), offrant de ce fait un potentiel de croissance important de ces services dans le canton de Neuchâtel pour la sous-traitance horlogère. Entretien avec Dr Lamia Ben Hamida et Dr Alain Segessemann, Professeurs à la HEG-Arc.

Qu’est-ce qui vous a motivé à faire cette recherche ?

La plupart des activités économiques ont été touchées par la crise sanitaire. Parvenir à mesurer la contribution de ces mêmes activités au développement du canton de Neuchâtel devient donc un enjeu prioritaire. Ainsi, plusieurs initiatives de communication (www.agir-ne.ch) ont d’ores et déjà été mises en place par le canton, avec le soutien de nombreuses associations engagées, pour soutenir l’effort de la consommation régionale des résidents et des entreprises. Afin d’appuyer au mieux ces efforts, cette recherche a pour objectif de mesurer concrètement les impacts économiques (dépenses dans et hors canton) des principales branches économiques neuchâteloises. Nous avons choisi de débuter cette recherche par la branche de l’horlogerie, qui est la plus importante dans le canton en termes d’emploi. En effet, nous cherchons à mieux comprendre la localisation des fournisseurs par rapport à leurs clients : intègrent-ils la dimension locale dans leur prestations, par exemple dans une logique de circuit court, ou alors d’économie circulaire ? La localisation des fournisseurs est-elle liée à celle des clients ?

Quelles sont les données que vous avez analysées ?

Nous avons utilisé trois types de données :

  1. Le tableau Input-Output de l’OFS, également désignée comme «méthode des effets» pour toute la Suisse permet d’avoir les chiffres d’avant-crise pour toutes les branches économiques en Suisse, y compris l’horlogerie. Les données du SECO et la statistique des exportations de l’OFS nous permettent d’intégrer à l’analyse l’évolution conjoncturelle suite à la crise du Coronavirus.
  2. Pour localiser les ressources au niveau du canton de Neuchâtel, on utilise la statistique des entreprises (STATENT), dont les emplois de toutes les branches économiques  en Suisse sont géolocalisés.
  3. Enfin, concernant les évolutions conjoncturelles, nous avons utilisé les données du SECO et de la Fédération horlogère suisse.

Quelles sont les principaux enseignements que vous tirez de votre recherche ?

Tout d’abord, les fournisseurs ne sont pas toujours localisés à proximité des clients. Nous identifions deux cas de figure dans cette recherche :

Les fournisseurs intrabranche de l’horlogerie qui sont encore très présents dans le canton de Neuchâtel et dans l’Arc jurassien au sens large, essentiellement en raison de l’ancrage historique de l’horlogerie dans l’Arc jurassien (manufactures horlogères), et du développement d’une tradition et d’un savoir-faire complexe depuis des décennies, non seulement dans la fourniture de composants des montres à assembler (habillage, mouvements, ressorts, platines, pierres précieuses, etc.), mais aussi dans des branches industrielles connexes telles que la fabrication de moteurs, génératrices et transformateurs électriques ou la fabrication de câbles électriques. Il s’agit donc avant tout d’usines qui utilisent beaucoup de ressources (facteurs de production importants tels que des machines et surfaces en m2 étendues)

Les fournisseurs externes de l’horlogerie qui sont essentiellement localisés à l’extérieur du canton de Neuchâtel, et en particulier dans les cantons de Zurich et de Berne. Il s’agit avant tout des branches de la télécommunication, de la recherche et développement scientifique, de la programmation et du conseil informatique, (y c. les portails internet) et du Conseil pour les affaires et autres conseils de gestion. Il s’agit donc avant tout de services qui utilisent peu de ressources (peu de facteurs de production  tels que des bureaux et surfaces en m2 réduites)

Dans quels domaines, des PME neuchâteloises pourraient-elles encore se spécialiser pour devenir sous-traitantes des marques horlogères ? Dans quels domaines, les entreprises neuchâteloises occupent-elles déjà bien le territoire ?

Concernant les fournisseurs tant intrabranche que interbranche de l’horlogerie dans le canton de Neuchâtel, on peut dire que leur caractéristique principale commune est leur vocation industrielle, qui occupe déjà bien le territoire. Il s’agit avant tout d’activités industrielles mobilisant des facteurs de production importants nécessaires à une production de masse, comme le sont les usines et autres manufactures. C’est le cas par exemple de la fabrication de moteurs, génératrices et transformateurs électriques ou la fabrication de câbles électriques.

Par contre, notre recherche montre que les fournisseurs de services mentionnés ci-dessus (télécommunications, R&D, etc.) sont peu présents pour l’heure dans le canton de Neuchâtel, et sont avant tout localisés à Zurich. Il existe donc un fort potentiel de développement de ces activités à Neuchâtel.

Quels sont les potentiels biais de votre recherche ? Comment les contourner ?

Le biais principal de notre recherche pour l’heure est relatif à l’analyse quantitative effectuée. Il s’agit d’un traitement statistique des données globales à notre disposition : les données de ressources en francs sont attribuées sur le territoire à des emplois des différentes branches. Nous ne parvenons pour l’heure pas à différencier un emploi d’une même branche à forte valeur ajoutée en termes de prestation de fourniture, d’un autre emploi qui le serait plus. Pour y remédier, il est indispensable d’identifier ces emplois en interagissant avec les fournisseurs de notre région.

Quel soutien peut apporter la HEG-Arc aux entreprises qui voudraient gagner de nouveaux marchés ?

Comme indiqué précédemment, la HEG Arc souhaite affiner ces analyses avec les différentes parties prenantes intra et interbranches. Il serait intéressant par exemple d’effectuer des workshops avec des PME (p.e. fournisseurs) de la région.

Avec quels autres partenaires la HE-Arc travaille-t-elle pour soutenir les entreprises dans leur développement?

Nous travaillons avec les différents partenaires de la région, notamment le Service cantonal de l'économie, Platinn, la CNCI et la CEP (Chambre d’économie publique du Jura bernois).

Pour accéder aux résultats de la recherche, cliquer ici.

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