Les personnes surendettées ont cinq fois plus de risques d’être distraites au travail. Judith Notter, cheffe de projet au Service de l’Action sociale du Canton de Neuchâtel

    • Main d'oeuvre et compétivité


    Judith Notter est cheffe de projet au Service de l’Action sociale du Canton de Neuchâtel. Dre en éthique économique, elle a notamment mis sur pied un dispositif pour la détection précoce du surendettement au sein des services publics de l’administration cantonale. La CNCI, l'UNAM, la BCN et le Service de l’action sociale entendent rendre attentives les entreprises à la détection précoce du surendettement des employés-e-s. Judith Notter répond à nos questions.

    Le surendettement des employés neuchâtelois est-il plus élevé que celui des employés des autres cantons ?
    Il est difficile d’obtenir des statistiques du surendettement qui concernent spécifiquement les employé-e-s. Ce que nous pouvons dire, c’est que la population neuchâteloise est plus exposée au surendettement que la population des autres cantons, avec environ 10% de la population qui a une poursuite en cours ou en suspens (acte de défaut de bien) auprès de l’Office des poursuites. Cela représente près de 18'000 personnes. On sait aussi que, parmi les personnes qui demandent des conseils pour leurs problèmes de dettes, 85% sont des personnes avec un revenu salarié, donc des personnes en emploi.

    Quels sont les situations qui peuvent déclencher un surendettement ?
    Nous pouvons commencer par dire que, contrairement à ce que nous imaginons souvent, le surendettement provient très rarement de comportements dépensiers excessifs ou de problèmes d’addiction aux jeux. Bien entendu, ces situations existent, mais elles sont minoritaires. 

    Dans l’immense majorité des cas, le surendettement s’explique par des « bouleversements de vie » qui viennent déstabiliser un budget qui était jusque-là parfaitement stable. Selon les statistiques, les principaux « bouleversements de vie » à l’origine du surendettement sont: le départ de chez les parents, la naissance d’un enfant, le chômage, le divorce, la maladie, la retraite, le décès d’un proche, etc. 


    Pour quelles raisons les entreprises devraient-elles se soucier du surendettement de leurs employés ?
    Avoir des dettes impacte énormément la santé des personnes, aussi bien physique que mentale, avec des conséquences immédiates sur le travail. Des recherches scientifiques montrent, par exemple, que le stress financier génère une perte de productivité de 10%, qu’il influence négativement l’humeur au travail et la disponibilité psychologique ou encore que les personnes surendettées ont 5x plus de risques d’être distraites au travail. 

    Lors de la soirée du 2 septembre, nous aurons le privilège d’entendre une chercheuse qui travaille précisément sur la question de l’impact des dettes sur la santé et qui pourra expliquer dans le détail ces mécanismes.  

    En quoi consiste le dispositif de détection précoce de surendettement? Et quels effets devraient-il déclencher?
    L’immense enjeu avec les dettes consiste à ne pas laisser la situation dégénérer. Or, la perte de contrôle peut être extrêmement rapide. Il est donc essentiel de faire évaluer sa situation rapidement par des spécialistes, dès les premiers symptômes de difficultés financières. Le problème est que l’être humain fonctionne avec des mécanismes psychologiques qui l’empêchent de réagir immédiatement. Il est donc important qu’une personne externe, lorsqu’elle remarque des signaux de difficultés financières, intervienne pour informer sur l’existence de soutiens et pour encourager à en profiter. C’est précisément le but de la détection précoce : nous formons des collaborateurs et collaboratrices pour qu’ils puissent identifier les premiers signes de problèmes financiers d’une personne, en vue de l’orienter auprès de spécialistes des questions d’argent et de dettes. 

    L’État de Neuchâtel a déjà mis en place des mesures de détection précoce auprès de ses services publics, par exemple au sein du service des contributions, lorsqu’une personne sollicite un arrangement de paiement, ou au sein du service des ressources humaines, lorsqu’une personne demande une avance sur salaire. Nous souhaitons maintenant proposer aux entreprises de mettre en place de telles mesures. 

    Pour quelle raison êtes-vous motivée à étendre ces mesures maintenant dans les entreprises?
    Tout simplement, parce que l’entreprise est LE lieu où les signaux de difficultés financières sont le plus visibles. Par exemple, un responsable d’équipe sait que l’époux d’une employée est tombé au chômage. Il constate aussi que son employée multiplie les heures supplémentaires, que son humeur s’est dégradée et qu’elle participe de moins en moins aux activités d’équipe. Il est fort probable que la situation financière de son ménage soit devenue très compliquée et qu’il soit judicieux pour elle de faire un bilan, de discuter des priorités de paiement – nous devenons très mauvais dans l’évaluation des priorités lorsque nous sommes soumis à une forte pression – d’obtenir des renseignements juridiques et d’évaluer son droit à des aides publiques. Elle pourra aussi déposer ses tracas en toute confidentialité à des personnes qui sont aussi des professionnelles de l’écoute bienveillante. 

    Du côté de l’entreprise, l’intérêt provient du fait que, tout simplement, la détection précoce permet d’éviter une détérioration durable de la santé physique et psychique de l’employé-e. 

    Que font déjà les entreprises pour prévenir le surendettement de leurs employés ?
    Dans le programme de détection précoce que l’État souhaite proposer aux entreprises, les employé-e-s sont orienté-e-s auprès d’organismes spécialisés spécifiquement dans le domaine de la gestion des finances et des dettes. Il existe cependant des services qui non seulement offrent des conseils aux employé-e-s sur leurs difficultés financières, mais qui proposent aussi un soutien social plus large, par exemple des conseils juridiques en cas de divorce. C’est le cas notamment du Service social inter-entreprises (SSIE) ou du service social de l’APIAH ou encore de l’entreprise MOVIS. Or, de nombreuses entreprises du canton sont affiliées à l’une ou l’autre de ces entités ; leurs employé-e-s peuvent donc déjà aujourd’hui obtenir gratuitement des conseils en gestion des dettes. Cela prouve encore une fois que les entreprises neuchâteloises se préoccupent de la situation sociale de leur employé-e-s. 

     

    EVENEMENT DU LUNDI 2 SEPTEMBRE "Surendettement des employés - Pourquoi s'en préoccuper?"

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