Création d’entreprise : Christophe Saam de P&TS témoigne sur son expérience, au cours d'un event organisé par la CNCI et IFJ.

  • Au coeur de l’économie

Christophe Saam, Ingénieur EPFL, mandataire en brevet et juge technique au Tribunal Fédéral des Brevets, est fondateur, directeur et propriétaire de P&TS, cabinet de conseil en propriété intellectuelle basé à Neuchâtel et à Zurich. Le cabinet rassemble un groupe de 32 spécialistes avec des compétences à la fois dans le domaine de la technologie, de la propriété intellectuelle et du droit des logiciels. Dans le cadre d’un cours sur la création d’entreprise, organisé par la IFJ et la CNCI, Christophe Saam a partagé ses expériences et son vécu d’entrepreneur. 7 millésimes ont marqué le parcours de Christophe Saam. Confessions d’un entrepreneur qui préfère aborder les solutions et prestations de son entreprise que de parler de lui.

Première expérience professionnelle à Berlin en 1990

Christophe Saam passe le dernier examen pour obtenir  son titre d’ingénieur électricien le 10 novembre 1989. Pourquoi s’en souvient-il ? La veille, le mur de Berlin tombe. Motivé par cet événement, il postule à l’Office Européen des Brevets qui cherchait des ingénieurs suisses pour son agence de Berlin. Christophe ne « sait » pas encore ce qu’est réellement un brevet à cette époque, mais débarque à Berlin dans lequel règne un joyeux chaos: les postes sont en grève, les chemins de fer aussi. Mais il y a une telle dynamique qui se dégage aux quatre coins de cette ville branchée en totale métamorphose. C’est aussi à Berlin que Christophe se marie à Roseline.

Un séjour au Yémen change la donne

En 1994, Christophe Saam rentre en Suisse et travaille à Berne dans un cabinet de propriété intellectuelle (PI) où il apprend le droit des brevets. Le job est passionnant et lui permet de rencontrer des entrepreneurs, des inventeurs, des startupers. Des problèmes relationnels avec le directeur surgissent. En 1998, il fait un voyage de plusieurs semaines au Yémen où il se convainc que la liberté, on peut la choisir. Rentré de Sanaa, il présente sa démission à son employeur, ce qui jette ce dernier dans l’ire la plus totale : Christophe est libéré de ses fonctions sur le champ. A midi, il ignore encore quel va être son avenir professionnel.

L’après-midi-même, à 14h00, une grande entreprise horlogère l’appelle et lui demande les raisons pour lesquelles il manque à un rendez-vous fixé. Christophe explique qu’il ne travaille plus pour son employeur depuis le matin. L’entreprise horlogère lui confie aussitôt un mandat de négociations de brevets. Christophe accepte dès que la situation avec son ex-employeur est clarifiée. Le mandat confié gagne en importance. Un ancien collègue le rejoint dans l’aventure. P&TS est en train de naître, dans l’enthousiasme.

P&TS gagne en importance grâce à un mandat gagné chez Swisscom en 1998

Au même moment, en 1998, Swisscom succède à Télécom PTT. L’entreprise paraétatique, qui n’avait à ce moment que peu d’expérience en propriété intellectuelle, cherche un bureau de conseil pour construire sa stratégie brevets. P&TS n’avait que quelques semaines d’existence, mais elle postule et, contre toute attente, décroche le mandat.

Pour faire face, la société doit rapidement se structurer. Dans l’improvisation, Christophe apprend les ficelles du métier de patron : trouver des bureaux, développer un réseau de partenaires internationaux, gérer la TVA, surveiller les liquidités, s’occuper de business développement. Il travaille sur ses mandats la journée ; la nuit, il programme son ERP et le site web de la société. P&TS manque cependant cruellement de liquidités. Un client vole à son secours et lui propose de verser une année d’honoraires en avance.

P&TS se distingue dans la branche par une communication disruptive et des services innovants. La croissance est immédiate, mais  elle entraîne des tensions internes. En effet, les vues de Christophe et de son associé divergent par rapport à l’avenir de la société. La différence d’âge de 25 ans explique leurs désaccords. L’associé quitte rapidement la société.

2001, une année fertile, toutefois très difficile

P&TS passe du statut de société simple à SA en 2001. Mais 2001 est aussi une annus horribilis pour la santé de Christophe. P&TS compte alors quatre employés, dont Roseline, la femme de Christophe, qui attend un heureux événement. Une autre collègue est en congé maternité, la dernière s’absente pendant l’été. Les journées ne comptent plus suffisamment d’heures pour Christophe, qui assure les remplacements tout en entourant son épouse et leur nouveau-né. Christophe tombe presque en épuisement. Pour faire face à cette situation particulière, P&TS parvient à recruter en quelques mois une équipe solide qui lui permet de poursuivre son chemin. De nouveaux clients lui font confiance, notamment des start-ups qui se sont passé le mot pour demander du soutien à P&TS, toujours ravie d’épauler de jeunes entreprises innovantes. Le secteur marque est inauguré.

Dans de nouveaux jardins en 2010

En 2010, P&TS s’endette pour acheter une magnifique bâtisse à l’avenue Jean-Jacques Rousseau à Neuchâtel. Christophe observe que l’environnement de travail est un atout pour attirer des talents accourus de toute l’Europe, qui lui permettent de grandir très fortement de 2010 à 2014. Dans un ranking mondial des cabinets qui ont la croissance la plus rapide, le cabinet neuchâtelois fait à ce moment partie des 3 premiers. Les autres cabinets dans la liste sont essentiellement coréens et chinois.

Renforcement de la gouvernance en 2018

P&TS grandit et grandit. Conscient qu’on ne peut pas diriger une entreprise d’une vingtaine de personnes comme une raison individuelle, au clair par rapport à la responsabilité sociale d’un employeur vis-à-vis de ses employés, P&TS renforce ses structures. Désormais un Conseil d’administration chapeautera une Direction clairement structurée. Christophe reste unique actionnaire et ne veut plus réfléchir tout seul sur les orientations de son entreprise.

30 ans plus tard en 2023

La société d’une personne est devenue un employeur de 32 spécialistes hautement qualifiés dans le domaine de la technologie, de la propriété intellectuelle et du droit des logiciels. P&TS protège une nouvelle invention chaque jour, et défend les intérêts de près de 500 sociétés. 30% sont des start-ups mais le portefeuille inclut également des PMEs ainsi que de nombreuses multinationales suisses ou américaines. Les inventions touchent tous les domaines de la technologie : électronique, logiciels, mécanique, horlogerie, chimie, biotech, etc. P&TS SA est localisée à Neuchâtel et Zurich. Chez P&TS, quatre valeurs sont centrales : respect, responsabilité, pluridisciplinarité et adaptabilité. Le slogan de P&TS est : « You invent the future. We protect it. ».

Trois conseils aux futurs entrepreneurs

Au terme de son exposé, Christophe Saam donne trois conseils aux futurs créateurs d’entreprise. Du bon sens, du bon sens et du bon sens.

  • Il faut être passionné : être son propre chef, c’est épuisant, c’est quelquefois décourageant. Il s’agit d’être un peu joueur, de prendre des risques, de se confronter rapidement aux clients en étant prêt à tout perdre. Les Américains lancent des produits prêts à 50% et les améliorent lors des prochaines versions. En Suisse, on cherche systématiquement le Swiss Finish.
  • Il faut s’entourer des bonnes personnes. Engager des copains pour les dépanner est déconseillé, surtout si ça se passe mal ensuite. Dans de telles situations, il faut beaucoup trop d’énergie pour régler les problèmes.
    S’entourer des bonnes personnes, c’est aussi engager les meilleurs collaborateurs, et se faire coacher par des organismes de support tels qu’IFJ, Microcity ou Innosuisse. Pour un patron, c’est tellement complexe de toucher à tout : registre du commerce, TVA, gestion des ressources humaines. Et sans oublier les aspects familiaux : dans le cas de P&TS, le support de Roseline a été déterminant.
  • Il faut une stratégie de propriété intellectuelle, pour gérer des actifs qui sont de plus en plus souvent immatériels. La PI semble peu prioritaire au début, mais elle est la clé vers un accès rapide aux investisseurs. Trop de PME peinent à décoller lorsque leur produit est prêt parce qu’elles n’avaient pas suffisamment anticipé les questions de droit à l’invention, de liberté d’exploitation ou de protection de la technologie par exemple.

Cinq dernières confessions de Christophe Saam

Au terme de la rencontre, Christophe Saam se livre aux dernières confidences. On sent qu’il y a du vécu.

  1. Être entrepreneur n’est pas un long fleuve tranquille. Il est naturel de vivre des hauts et des bas. Il importe de savoir rebondir.
  2. Les moments difficiles pour P&TS sont principalement liés aux départs : départs de clients, départs de collaborateurs-clé.
  3. Les moments forts pour PT&S, ce sont d’abord les inventions qui se réalisent et pour lesquelles P&TS a contribué avec son savoir-faire.
  4. Les business-plans, c’est bon pour les investisseurs. Pour Christophe Saam, les business-plans ne sauraient être un instrument de pilotage.
  5. S’il pouvait revenir en arrière, Christophe investirait plus d’énergie pour préparer le démarrage de l’entreprise et notamment constituer le capital de départ. Christophe a débuté avec CHF 20'000.- en poche ; il a beaucoup dû « tirer la langue » au cours des premières années de l’entreprise, bien que les mandats affluaient.

Cours donnés par IFJ: en quatre étapes vers sa propre entreprise

L'intervention de Christophe Saam s'est faite au début du cours "En quatre étapes vers sa propre entreprise", animé par Douglas Finazzi d'IFJ. Le cours s'est déroulé dans les locaux de la CNCI.

Du choix de la forme juridique à la raison sociale, au domicile et au but de l'entreprise, en passant par la fondation simple et sa mise en place administrative, des informations précieuses sont dispensées lors de ces cours qui se donnent en présentiel, mais aussi en ligne.

Pour en savoir plus sur les autres cours donnés par IFJ, cliquer ici

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